2. Cinéma doudou

J’ai toujours aimé le cinéma. Enfant j’aimais les films de Charlie Chaplin ou de Funès, adolescent j’ai apprécié les films à grand spectacle, jeune adulte j’ai découvert certains classiques. Mais je pense que j’ai réellement commencé à m’intéresser au cinéma comme un objet d’art plutôt qu’un simple divertissement à la même période que ma passionnée temporaire pour la randonnée. Étant étudiant dans une nouvelle ville, j’avais beaucoup de temps libre, que j’occupais entre autre en étant très actif sur les forums en ligne tels qu’ils se pratiquaient à l’époque. J’y ai rencontré des personnes passionnées qui ont orienté mes choix de visionnage ; étant étudiant sans le sou, le téléchargement illégal m’a permis de voir beaucoup de films que je n’aurais probablement jamais vu autrement.

Cela faisait déjà quelques années que j’employais ce moyen, mais jusqu’alors les films partagés entre copains sur des DVD achetés par pile de 100 sur internet pour y graver avec fierté les dernières nouveautés n’était pas franchement du grand art, même si j’ai découvert certaines perles de cette manière. Tel que je m’en souviens en tout cas, l’essor du cinéma dans la liste des mes centres d’intérêts datent de ma relative indépendance d’étudiant peu assidu.

La découverte de mon film préféré remonte pourtant à bien plus loin, probablement 1997, même si je n’ai jamais retrouvé la date exacte. Je n’avais aucune idée ce soir-là, installé avec mon père sur le canapé du salon, que le film que j’allais voir allait marquer ma vie. J’étais inquiet : dans un coin de l’écran s’affichait la petite marque indiquant que ce film était déconseillé aux moins de onze ans, alors que je n’en avais que onze. Mais mon père m’avait rassuré, ce n’était pas un film violent.

Le film comporte pourtant son lot de fusillades, de pendaisons et de cadavres, puisqu’il y est question de l’itinéraire d’un trio de hors-la-loi à la recherche d’un trésor en pleine guerre civile américaine. La musique qui accompagne les scènes cultes me fait encore frissonner. Les répliques des acteurs résonne encore dans ma tête avec la même clarté, 57 ans après leur enregistrement.

Le film fut une claque, j’en ai le net souvenir, et pourtant je n’ai pas souvenir d’être sorti transformé de ce film ; j’avais vu bien d’autres films avant, j’en ai vu bien d’autres après. Mais quand aujourd’hui on me demande quel est mon film préféré, ou quel est le film a le plus influencé mon goût pour le cinéma, ou quel est le film que je reverrais demain soir en hésiter, c’est ce titre qui me vient instantanément à l’esprit : Le Bon, la Brute et le Truand.

1. Au crépuscule des feuilles

Au sommet de mon échec à la fac, j’ai eu une période de découverte tardive des joies de la randonnée, à ma petite échelle. Au-delà des rêves de voyages en solitaire que je n’ai jamais réellement eu le courage de concrétiser, les sorties à la journée ou sur plusieurs jours — mais toujours en solitaire la majeure partie du temps — se sont enchainées pendant un an ou deux sur les sentiers de randonnées des côtes bretonnes, et parfois un peu les sentiers forestiers.

Le plus agréable pour moi s’est révélé le bivouac. Après une ou deux expériences avec une vieille tente aussi lourde que peu commode, mon choix s’est arrêté sur un mélange entre hamac quand les conditions s’y prêtaient, et nuit à même le sol sur un simple tapis de mousse. Et dans les deux cas, pas de protection contre la pluie, pas de bâche, pas de toile de tente, juste un simple sur-sac étanche pour protéger le duvet. Le principal inconvénient de ce choix était, étonnamment, odorant. Je n’ai jamais su si c’était un problème de propreté du sur-sac, du duvet ou une combinaison des deux, mais chaque nuit passée dans ce couchage me réveillait avec une odeur légèrement désagréable qui s’incrustait dans les vêtements, que je ne quittais d’ailleurs pas durant toute la durée de l’excursion. Pendant les sorties de trois ou quatre jours à Crozon en plein été, il ne devait pas sentir bon me croiser sur les chemins.

Mais l’avantage incomparable de ce choix, c’est la beauté de la nuit à la belle étoile. Près de quinze ans après, j’y repense souvent, rêvant de me réveiller encore une fois au petit matin, seul dans ce bois de pins en plein milieu de la presqu’île de Crozon, prêt à attaquer une nouvelle journée de marche sous le soleil timide du mois d’avril. Ce ciel bleu au travers des nuages d’épines résineuses vingt mètres en dessus de ma tête, le parfum entêtant des conifères, le moelleux du tapis entre les arbres au milieu duquel j’avais installé mon fin matelas. J’ai dormi quatre ou cinq fois dans ce bois. J’espère y retourner un jour. Peut-être avec les enfants ?